Avant de tout vous narrer ce que j’ai vu là bas, je tiens à vous dire que c’est avec mes yeux et oreilles de novice que j’ai participé à un moment de la Nuit du Jeu Turris Fortissima, à Tournon sur Rhône ce 24/25 octobre 2015. Et malgré un ton détaché et sans détour dans le texte, vous verrez que ce fut une soirée formidable, dans laquelle, j’ai découvert un monde charmant et étonnant, dans le bon sens du terme. Joyeux 30ème anniversaire au club !
Je n’ai jamais pratiqué le jeu de rôles papier, ni plateau d’ailleurs. Pour faire simple, à part les jeux vidéo et les jeux de société, autant dire que ma culture est proche du négatif concernant l’activité rôliste pure et dure.
Et c’est grâce aux rédacteurs Akashar, Yué et Trollinet, tous trois membres du club rôliste de la MJC de Tournon sur Rhône, que j’ai eu envie de couvrir l’événement. Je ne pouvais pas y aller seul. Dans ma valise, une Ford, j’ai emmené Bibouzh, rédacteur jeux vidéo ici même et étudiant brillant en Master aménagement du territoire depuis… 1932 je crois. J’ai beau chercher au plus profond de ma mémoire, je ne crois pas l’avoir connu autre qu’étudiant professionnel. Il fera sûrement ses 47 annuités à la Fac de Lyon. Je n’ose pas lui dire que sa retraite ne sera pas très élevée…
Akashar et Yué n’ont pas pu venir, quant à Trollinet, il était engagé dans le tournoi X-Wing de cet événement Turris Fortissima, puis dans une partie jdr. Et il nous semblait important d’écrire un article sur cette nuit du jeu, vue par un gros naze du jdr. Et ça tombe plutôt bien, je suis gros et naze.
Nous sommes arrivés aux alentours de 18h30 le samedi. Nous entrons dans la salle et là, une bonne centaine de personnes et une forte odeur de chaussette. J’ai eu confirmation par Poupoupidon que ce n’est pas uniquement dû aux rôlistes. En effet la MJC de Tournon pue visiblement des pieds en permanence. Je vous rassure, au bout de 10 minutes, vous ne vous en rendez plus compte.
Deux choses m’ont marqué d’emblée:
- Une forte concentration de testicules au mètre carré. Hélas cela se confirmera par la suite: peu de dames dans les parties JDR, et je n’en ai vu aucune dans le tournoi X-Wing.
- Et le port de la queue de cheval pour les hommes est de mise. Pas tous, mais j’ai bien senti qu’il y avait une tendance. D’ailleurs, notre ami Trollinet la porte à merveille.
Bibouzh et moi-même, en tant qu’observateurs, nous nous sommes dirigés tout de suite à la table de Trollinet en pleine partie X-Wing. Ne voulant pas le déranger, je glisse à Bibouzh un “discret” : “Déjà que j’ai du mal à comprendre les règles de Fifa 16, là c’est hard pour moi”. L’adversaire de Trollinet lève là tête, et tout calmement m’explique ce qu’il vient de faire. Ça m’a appris deux choses: je ne suis pas discret, et les rôlistes et figurinistes sont des gens cools et à portée de tous. Tout le monde nous a expliqué sans qu’on demande, et sans jamais nous prendre de haut.
On se fait, à tort, toujours une idée que ces gens là sont fermés sur eux-même, peu causants, comme s’ils voulaient garder leur secret. Lecteurs, il n’en est rien !! Je n’ai jamais vu autant de parlotte que dans cette soirée. Les assidus vous prennent sous leur coupe pour vous guider, les joueurs entre-eux se parlent beaucoup, sans animosité. Chacun y va de sa remarque sur l’action de l’autre mais avec respect, aucune critique. Rires, sourires, on sent les gens heureux de se retrouver. Pourtant, certains ne se connaissaient même pas.
Après une bière (et un coca pour Bibouzh), on décide de s’installer à une des tables de la demi-finale: Rodolph (le très jeune président du club), contre Stéphane. Voyant nos regards perdus et yeux plissés pour tenter de comprendre les subtilités, un spectateur, de l’autre côté de la table, nous dit presque gêné: “Je peux vous expliquer si vous voulez ?” C’est avec plaisir que nous acceptons. Il s’agit de Greg, il vient de loin, du Vercors. (et gage de connaissance pour moi, il porte une queue de cheval).
C’est clairement, et avec pédagogie, que Greg nous explique pas à pas les rouages primaires de X-Wing. Les joueurs, qui ont choisi leurs pièces (vaisseaux) préférées, les disposent sur la carte (un fond spatial uniquement là pour délimiter la surface de jeu). Chaque vaisseau a ses propriétés. Certains seront plus rapides que d’autres, mais plus fragiles, d’autres profiteront de coups spéciaux, comme par exemple, si j’ai bien retenu son nom: le Phantom, qui peut disparaître pour réapparaître derrière un vaisseau ennemi qui se préparait à l’attaque. Ces pièces sont accompagnées de cartes apportant des bonus au combat (esquive, dommages, ou autre bonus ou malus) et de petites pastilles actions. Ensuite tout se joue aux dés. Les attaques et la défense. Des actions, à chaque tour, sont posées, face cachée, devant chaque vaisseau. Bref, je ne vais pas vous expliquer des règles que je n’ai pas encore assimilées, mais tout est histoire de stratégie, de bluff, de bonne préparation de son deck et un bon facteur chance (les dés).
Greg nous explique qu’il y a des manœuvres très difficiles selon les vaisseaux, et que certaines peuvent les mettre en stress. Rodolphe qui d’ailleurs mettait ses vaisseaux souvent en stress, l’était tout autant. Je ne sais pas si c’est ce qui a eu raison de lui, mais il a perdu sa demi finale devant Stéphane. J’envoie un sms à Poupoupidon, alors chez l’épouse de ce dernier, en lui annonçant qu’il passait en final. Visiblement, son épouse blasée, aurait lâché un “Mouais, il va encore gagner une réglette”. On voit ça plus tard…
Pendant ce temps, les parties de jeu de rôles se mettaient en place. Une personne vient nous héler: “Ça vous intéresse ? Il nous manque du monde à notre table”. Bibouzh se renseigne: “Euh, ça dépend, ça dure longtemps ?” “Oh non, cinq six heures pas plus”. Voilà notre jeune rédacteur qui disparaît rôler comme un nain.
A ce propos, on pense trop souvent que les jeux de rôles se restreignent à un monde héroïc fantasy elfo-nano-gobelino-magiqua, mais ce soir il y avait aussi des mondes post-apocalyptiques comme par exemple Mad Max. La MJC de Tournon était réquisitionnée: des tables de jeu de rôles dans chaque pièce. A l’étage, au rez de chaussée, dans la grande salle, dans le bâtiment voisin et… dans le couloir des WC pour handicapés. C’est ici que j’ai retrouvé Bibouzh, Greg, Gina, et un autre jeune homme dont j’ai oublié le prénom, accompagnés d’un maître du jeu des plus impressionnant : Jean Louis.
Trollinet et Akashar m’avaient dit: “il faut que tu joues, sinon tu vas t’emmerder”. Trollinet me l’a rabâché souvent en début de soirée, mais je vous le dis mes amis, je me suis régalé à suivre une partie en spectateur. Ce n’est pas que je voulais éviter le jeu, mais je me méfie. Pas des gens, pas du jeu, mais de moi. J’ai du mal à assimiler rapidement. Là j’ai observé, j’ai pris des notes, et surtout, j’ai assisté à un film. Jean Louis, le maître du jeu de la table de Bibouzh, a rendu la partie plus que vivante. Gestes, ton de voix, humour et… volume vocal haut, quitte à faire saigner mes oreilles, tout était là pour une immersion totale.
Je n’ai pas fait toute les tables, mais dans mes petits allers-retours, j’ai remarqué qu’un maître du jeu ne ressemble pas à un autre maître du jeu. Certains, à mon goût, me paraissaient moins “accrocheurs”. D’autres trop discrets dans leur récit. C’est tout naturellement que je me suis assis à la table de Bibouzh, dans le couloir des chiottes pour handicapés, menée d’une main de maître (du jeu) par un Jean Louis débridé mais sans queue de cheval.
20h, ils se sont assis, et chacun a reçu sa feuille de personnage. Je me lève pour aller chercher une bière et assister à la finale de Stéphane contre un jeune homme venu d’Aix en Provence pour le Tournoi d’X-Wing: Alexandre Roclore dit “cyanesance”. Stéphane avait pris cher. Un petit vaisseau détruit et son gros, le Décimateur, était mal en point (dans tous les sens du terme). “Ça s’est joué à un dé, pas d’esquive, je suis foutu”. Me suis dit à ce moment là, “adieu la réglette du vainqueur, rentrera-t-il à la maison ? Comment sera-t-il accueilli ?”. Cyanesance, je l’avais repéré au début de la soirée: visage fermé, sérieux, concentré, je m’étais même fait la remarque “doit pas être commode le gars”. En fait, il était à fond dans son jeu. La victoire lui a rendu un sourire radieux, comme un enfant à qui on donne un bon point. Là il s’est détendu et m’a expliqué que cette passion était certes un peu chère, il faut compter, environs, une bonne centaine d’euros pour avoir un bon équipage, et que lui ça lui coûtait un peu plus, mais que c’était une passion comme une autre. Il est vrai que certains vont voir leur équipe de foot professionnelle tous les week-ends, d’autres vont à la pêche, et ça coûte bien aussi cher. Bref, en tout cas il semblait le plus heureux du monde. Surtout qu’il n’a pas gagné une réglette. Non non ! Une jolie boite de rangement X-Wing, des cartes plutôt rares, un fond spatial de son choix, et tout un tas d’autres choses que je n’ai pas vu. Alors vous allez me dire et Stéphane ? Ben presque la même chose. Mais pas de réglette non plus.
21h, je retourne à la table de Bibouzh, ils étaient encore en train de préparer leurs personnages. Il faut savoir que d’habitude, les joueurs savent à quoi il vont jouer, et ils préparent en amont leur avatar. Mais là, comme cette soirée était aussi pour les novices, tout s’est fait en direct, et croyez-moi, préparer son personnage… c’est long. Très long.
Je ne sais pas si ça ne s’applique qu’à Jean Louis, mais il avait avec lui trois cabas pleins de bouquins, et de règles de Dungeon & Dragon. D’ailleurs ça m’a épaté, un des participants jouait un nain prêtre qui louche, et il a passé la soirée les yeux dans le classeur D&D pour étudier tous ses sorts. Bibouzh vous expliquera les détails dans un prochain article.
J’étais donc comme dans une pièce de théâtre, et vint le moment où Bibouzh, vers 2h du mat, a été pris d’une grosse migraine. Jean Louis a modelé son scénario pour mettre fin aux souffrances de notre jeune rédacteur fragile. J’ai discuté un peu avec Jean Louis, et il m’a dit que tout le scénario était établi dans sa tête. Il sait où il mène les gens. Je croyais qu’il improvisait. Un maître du jeu, avant tout, doit être un bon auteur et acteur. C’est le cas de Jean Louis.
Trollinet a fait une brève apparition. Il a juste dit “Haiiaaaann” et il a disparu. Je n’ai pas eu le temps de lui dire au revoir.
Cette soirée a été un excellent moment. Très très bien organisée. Quant à la buvette, on ne pouvait pas crever de faim. Des quiches, des pizzas, des hot-dogs, des frites, des Mars, du café… plus de bière à 21h30 par contre !!! Qu’est-ce que ça picole un rôleux ! Quoi j’en ai pris deux ? Et alors ? J’étais là aussi pour apporter un peu d’argent au club merde !
Je remercie tous ces gens sympas, venus pour certains de très loin (Franche-Comté pour les inventeurs de Ladies, Vincent Henry et Katia Nugnes, pour un tout nouveau jeu de rôle et roman illustré), merci pour l’accueil du club de Tournon, leur simplicité et la transmission de leur passion.
Gens qui ne connaissez pas ce monde, et bien ce n’est pas un monde justement. C’est vous, c’est moi, ce sont eux. N’hésitez pas à vous lancer.