Voilà déjà presque 20 ans que tous les jeux de mots carambar-friendly autour du terme « haricot » se sont donnés rendez-vous dans un très sympathique jeu que nous allons décortiquer.
Inspectons Harry.
Un jeu qui parle de haricots avec des noms en forme de jeux de mots ? Ne me dites pas qu’il n’y a pas UN jeu de mots laid qui vous traverse l’esprit, là, tout de suite, un jeu de mots entendus et ré-entendus mille fois et que vous vous dites que vous verrez certainement dans ces lignes ? Et bien, non, ici, chez Gaemovert, nous pratiquons le jeu de mots de qualité, le calembour fait maison, la boutade ciselée avec amour, et je refuse de sombrer dans les tréfonds de la simplicité !
Bohnanza est donc composé d’une bonne centaine de cartes. On en distribue 5 par joueurs, le reste est mis comme une pioche au milieu de la table.
L’objectif va être d’empocher le plus de thunes possible. Pour ce faire, il va falloir planter le plus grand nombre possible de haricots dans des champs, pour ensuite les récolter et en tirer un maximum de thunes.
Les haricots sont répartis en 8 familles, aux noms emprunts d’un humour digne des blagues de Toto, mais qui, il faut bien l’avouer, mettent un grain de folie dans les parties. C’est en effet finalement assez cocasse de s’invectiver à coups : « Je t’échange 3 Harry cochon contre 2 Harry copain et 1 Harry colique !! »
Ces familles de haricots ont des raretés différentes et donc des valeurs différentes : Le Harry colt est le plus fréquent, car il est en 20 exemplaires dans le jeu, mais sa valeur est moindre, puisqu’il faudra 10 exemplaires dans son champ pour en retirer 4 thunes. Le Harry comique est beaucoup plus rare, puisqu’il n’existe qu’en 8 exemplaires, mais obtenir les 4 thunes ne nécessite d’en réunir que 5.
Harry pot de terre.
Chaque joueur de Bohnanza imagine qu’il a devant lui 2 champs virtuels. Dans chaque champ, il peut planter un seul type de haricot, en alignant les cartes les unes sur les autres. Plus le nombre de haricots est grand, plus le nombre de thunes récoltées est important. On trouve sur chaque carte le nombre de haricots à planter et les thunes qu’on peut en tirer à chaque étape : Par exemple, pour les Harry cauchemar, avec 3 haricots on a 1 thune, avec 6 haricots on a 2 thunes, avec 8 haricots on a 3 thunes, et avec 9 haricots on a 4 thunes. L’objectif est donc de faire gonfler son champ de en ajoutant un maximum de Harry cauchemar pour en avoir 9 et repartir avec la belle cagnotte de 4 thunes. A n’importe quel moment du jeu, le joueur peut liquider un champ et, en fonction du nombre de haricots qu’il a réussi à y planter, récolter les thunes correspondantes.
A son tour, un joueur doit planter un haricot issu de sa main, puis tirer des cartes de la pioche pour échanger avec les autres joueurs, re-planter tout ce qui a été échangé, piocher 3 cartes, et on passe au suivant.
Harry s’tâte.
Et c’est là que réside l’une des plus belles astuces de Bohnanza : Le joueur n’a pas le droit de trier les cartes qu’il a en main. Il doit en conserver l’ordre, la première carte étant celle de devant. Or, quand arrive son tour, on DOIT planter la 1ère carte de sa main, celle de devant. Et il arrive qu’on ait devant soi 2 beaux champs en cours de culture, dans lesquels on aimerait bien rajouter 1 ou 2 exemplaires du haricot afin d’acquérir plus de thunes. Mais si notre tour arrive et que notre 1ère carte en main est d’une famille de haricots différente, on est alors obligé de liquider un de ces champs, de le vendre parfois à un prix moindre que ce qu’on escomptait, tout ça pour planter une pauvre carte dont on n’avait que faire.
Harry sonne fort.
Alors comment gérer ça ? Et bien c’est assez simple : Tout se joue lors de la phase d’échange ! Vous voyez que cela va bientôt être votre tour et que la première carte en main ne vous est pas favorable, puisqu’elle ne correspond à aucun de vos champs ? Vous vous voyez déjà en train de sacrifier votre joli champ de Harry cauchemar en pleine croissance, tout çà pour un pauvre Harry chaos dont vous n’avez qu’un seul exemplaire ? Alerte, alerte !
Ne vous endormez pas et, avant que ça soit à vous de jouer, profitez du tour de vos adversaires : quand ceux-ci jouent leur phase où ils peuvent échanger avec les autres, il vous faudra essayer à tout prix de leur refourguer votre carte, leur promettant monts et merveilles, allant presque jusqu’à leur demander de l’accepter gratuitement, tout çà pour vous en débarrasser. Sortez les mouchoirs, relisez « La négociation pour les Nuls », repassez-vous la scène de la mort de Marion Cotillard dans Batman, laissez la mayonnaise monter entre tous les joueurs et ça y est, vous voilà pris au jeu.
Quand Harry rend compte, ça lit.
Une partie de Bojnanza se joue au moins à 3 et dure environ 45 minutes. Néanmoins, la force de ce jeu est que vous êtes constamment actifs : vous plantez, récoltez et vendez à votre tour, mais vous devez aussi être constamment sur le qui-vive pendant le tour des autres joueurs pour réguler votre main grâce aux échanges. C’est l’un des gros points forts de ce jeu, à savoir qu’il n’y a pas de temps mort, on joue tout le temps, que ce soit son tour ou pas. Et quand on se retrouve en concurrence avec d’autres joueurs pour échanger les mêmes cartes, l’ambiance monte vite autour de la table.
Pas besoin de canne, Harry.
Bref, une grande réussite pour ma part. J’émettrai tout de même une réserve sur un point, mais c’est finalement un point positif : je ne comprends pas pourquoi ce jeu est étiqueté comme s’adressant à des plus de 12 ans. Peut-être est-ce une volonté de l’éditeur, craignant qu’un +8 donne l’impression (fausse) que Bohnanza ne s’adresse qu’à des enfants. Toujours est-il que j’y ai joué avec des adultes comme avec des enfants de 8 ans, et après un tour de chauffe, les mécaniques et les enjeux ont à chaque fois été bien compris, la preuve étant que l’ambiance « jour de foire » s’est très vite installée au bout d’un tour.
Et pour finir, la petit note culturelle : Bohnanza a été le premier jeu de Uwe Rosenberg, un nom qui ne doit pas vous être inconnu si vous êtes fan de jeux de plateau, puisqu’il a ensuite produit le célébrissime Agricola et toute la série de ce genre (Le Havre, Ora et labora…) Bref, un garçon qui a des références qui vont bien.
Epilogue :
Le téléphone sonne. Au bout du fil (de mon téléphone sans fil), le rédac en chef :
« Dis donc, mon p’tit Trollinet, t’aurais pas oublié un truc ?
– Heu, non chef, non, j’crois pas…
– Et « Harry Cover », alors, c’est du poulet ? Le monde entier attendait cette blague moisie, et toi, tu fais le malin à nous pondre des calembours tellement capillo-tractés qu’à côté, un scalp de sioux passerait pour une simple petite coupe des pointes chez le coiffeur.
– Oui, chef, tout à fait, chef. Et je suis d’ailleurs certain qu’à présent, avec votre intervention, tout le monde a ri. »
* Roulements de tambour*
Lien vers la fiche du jeu Bohnanza chez notre partenaire Gigamic
Auteur: Uwe Rosenberg
Illustrateur : Björn Pertoft