Titre : Silence
Genre : Aventure
Français: textes seulement
Développeur : Daedalic Entertainment
Éditeur : Daedalic Entertainment
Date de parution : 15 nov 2016
Bonjour à toutes et à tous ! Ou bonsoir suivant votre heure de lecture…
Aujourd’hui nous allons parler de Silence ou, dans sa version originale The Whispered World 2 ! Mais… maiiiiis… The Whispered World 2 ??? Ça veut dire qu’il y a un premier opus ?! Tout à fait ! Celui-ci se nomme d’ailleurs Les Chroniques de Sadwick : The Whisperd World… mais ceci, chers lecteurs, est une autre histoire !
Avant d’aller plus loin, reprenons depuis le début. Silence est un jeu d’aventure Point’n click édité par Deep Silver et développé par Daedalic Enterainment. Sorti en France le 15 novembre dernier, il nous propose de plonger dans le monde étrange, fascinant et mélancolique de Silence. Un univers au ton ocre qui nous rappellera l‘ambiance décalée du Disque Monde de l’écrivain Terry Pratchett. En effet l’un des héros, Noah, a cette fâcheuse tendance à être extrêmement pragmatique et défaitiste tout en étant juste dans ses propos. Bref, un Xan en puissance pour ceux d’entre vous qui auraient joué à Baldur’s Gate premier du nom !
De quoi s’agit-il ?
Au début du jeu Silence, le contexte est à la guerre. Nous sommes dans un monde déchiré par un conflit qui n’est pas sans nous rappeler la seconde guerre mondiale.
Noah et sa sœur Renie, orphelins de leur état, s’enferment dans un bunker à la suite d’un bombardement. Ça commence à donner le ton… rien de joyeux, en somme ! Ajoutons à cela que la petite est claustrophobe et, pour la divertir, son frère va lui conter l’histoire de Silence. Au fur et à mesure, on se rend compte que l’histoire que raconte Noah est peut-être plus qu’une simple chronique : s’agit-il d’une réalité oubliée ?…Tout bascule lorsque le Bunker est secoué par un éboulement. Noah perd sa sœur de vue et part à sa recherche, seulement, après s’être éloigné de l’obscurité, il semble être arrivé dans le monde de Silence, monde que lui-même croyait être un rêve, le fantasme d’une histoire entendue dans sa jeunesse que lui et sa sœur avait l’habitude de se raconter : L’histoire d’un amuseur du nom de Sadwick accompagné de son fidèle compagnon Spot !
Silence, un monde enchanteur mais pas que… En effet, on apprendra assez rapidement lors de notre recherche de Renie, que Silence est un monde déchiré par un conflit. Reflet de notre monde ? Peut-être.
Et c’est à partir d’ici que l’aventure commence vraiment ! Même si, au préalable, le jeu nous propose un court didactiel dans le monde « réel » pour nous guider dans nos pas.
Ce que j’ai particulièrement apprécié dans cette introduction c’est l’empathie qu’on développe immédiatement pour les deux personnages. Les dialogues font mouche, l’ambiance est particulièrement réussie. Et ce qui m’a séduit c’est la finesse de l’écriture et de la narration. Il y a quelque chose de très poétique dans la construction du récit. Là où un jeu classique aurait amené ses gros sabots pour nous dire voilà, ça c’est le monde réel et ça c’est Silence ! Eh bien ici, la transition se fait par l’image, rien ne nous explique la situation. Le bunker s’écroule, on est dans le noir, Renie n’est plus présente, et on progresse dans un environnement étrange, un environnement sous le bunker ? C’est après coup, après une première rencontre avec l’un des personnages secondaires, qu’on comprend à rebours où l’on est. Et le jeu fonctionne de cette façon, on se pose beaucoup de questions et on a peu de réponses. C’est comme si les développeurs avaient laissé des vides pour permettre au joueur de se projeter lui-même dans la fiction et de construire le récit de cette œuvre vidéoludique. Plus on avance, évidemment, plus on obtient de réponses, mais cette légèreté d’écriture est vraiment prenante !
On en sait pas plus que les héros, je dirai même qu’on devient les héros ou, plutôt que le terme héros, employons ceux de personnages principaux, car nos personnages n’ont pas de pouvoirs spéciaux ou d’incroyables capacités (ou du moins pas visibles dans l’immédiat). Et ça, c’est vraiment plaisant. Le moindre obstacle devient épique et renforce le sentiment d’accomplissement à chaque réussite. Par exemple : Noah est rapidement coincé en bas d’un mur escarpé dans le jeu. Il va donc falloir trouver une solution pour passer ce mur. Toute l’entreprise n’en devient que plus intéressante et le récit va monter en puissance. Petit à petit, marche après marche, en surmontant des obstacles, de prime abord, anodins, on gagne en sympathie pour les deux orphelins et en empathie. Les enjeux grandissent et l’ensemble devient très immersif au point de devenir joyeux lorsque Noah l’est ou lorsqu’on l’accompagne dans ses humeurs. A un moment du jeu, j’ai clairement été très déçu pour Noah ! Car celui-ci avait émis des hypothèses qui flattaient autant son ego que le mien, alors, quand un personnage secondaire est venu bazarder la théorie de notre protagoniste, j’avoue que je me suis senti attaqué personnellement !!! Je tire donc mon chapeau aux développeurs, encore une fois, sur la forme de l’histoire. Et j’insiste sur le terme forme car si l’aspect formel du titre est très intéressant, le fond, lui, est malheureusement relativement creux…
Le jeu vidéo cherche à s’accaparer de plus en plus le langage cinématographique et en cela Silence est astucieux, il ne nous dit pas les choses, il nous les montre. L’esthétique du jeu est donc très plaisante mais elle est desservie par un scénario que l’on pourra résumer en une seule phrase : « Il faut mettre hors d’état de nuire une méchante reine qui tyrannise Silence ». C’est donc vu, vu et revu. Dommage. On regrettera aussi la brièveté du titre et on pourra d’emblée lui reprocher son appellation d’aventure. Je m’explique.
Pour moi, un jeu d’aventure comprend de l’exploration, des énigmes. Ici, on est davantage dans un jeu narratif plutôt qu’un jeu d’aventure. On suit une histoire dont la trame est très dirigiste et les énigmes sont très simples. L’effet produit est donc la sensation d’assister à une histoire interactive mais dont l’interaction ne va pas changer le cours de l’histoire, mais uniquement sa durée. C’est-à-dire que, quoi que l’on fasse, les choses auront à peu de choses près, le même résultat. Seul changement : la fin. Mais le jeu nous propose de charger notre sauvegarde au dernier check point pour avoir accès aux deux fins, donc finalement la rejouabilité est limitée. Sur un soft solo, relativement court, c’est dommage de ne pas avoir proposé un grand nombre de fins et d’interactions.
Si les tableaux (écrans) sont particulièrement réussis, on déplorera leur faible nombre et l’interaction qui existent entre eux. Il y a environ une trentaine de tableaux dans le titre et c’est plutôt maigre.
Bon, le côté positif à présent, quand même ! C’est que chaque tableau est d’une grande beauté, que ce soit dans la gamme chromatique, le choix de l’angle de camera mais aussi la composition. Tout donne à voir des visuels vraiment riches en détails et immersifs. Certaines zones ne comportent que 3 tableaux alors que d’autres vont jusqu’à 5.
Ce qui est, par contre, pénible c’est qu’il y a un temps de chargement entre chaque tableau et que lorsqu’on charge une partie on est obligé de revoir une cinématique, impossible de la passer. Donc si l’on souhaite rejouer le jeu ça peut être très fastidieux. D’un point de vue de l’aventure c’est très segmenté, c’est-à-dire qu’il est impossible de revenir en arrière après un segment. Donc parfois on se limite à 3 tableaux dans un même segment et c’est dommage car du coup la phase de recherche et énigme est très largement réduite. Ajouter à cela qu’on peut, si on le souhaite, faire sauter les énigmes qui sont pourtant très simples. D’ailleurs, je n’ai jamais été bloqué dans le jeu tellement Silence est simple, parfois la seule difficulté venait de l’apparition d’une nouvelle phase de gameplay non expliquée est pas toujours logique…
Le gameplay parlons-en ! Vous l’aurez compris, dans le jeu vous incarnerez tour à tour Noah, Renie et Spot dont nous n’avons pas encore parlé (ou Spotty pour les intimes). Il s’agit d’une larve polymorphe capable de se transformer en fine bande ou en énorme ballon, compagnon du Sadwick héros du premier opus (Sadwick est aussi présent dans Silence mais je n’en dis pas plus !).
Le gameplay de base est relativement intuitif, tout se joue à la souris. Il est possible de gérer la « difficulté » qui permet de paramétrer plusieurs choses en lien avec ce qui s’affiche à l’écran. Une barre de conseils, l’affichage de cercles indiquant les interactions possibles avec le tableau, le nom des éléments avec lesquels on peut interagir, et enfin le fait d’appuyer sur la molette ou non pour que ces informations apparaissent.
Trop souvent, nous cliquons sur tout pour voir la réaction de notre personnage plutôt que par logique et de ce fait, on va souvent déclencher des choses bénéfiques ou non sans avoir pu les anticiper. Il y a également très peu de phases de recherches et, la seule vraiment présente, est très pénible car elle s’étale sur trois tableaux. Il faut interagir avec ces trois tableaux, et il est nécessaire de passer d’un tableau à l’autre pour faire avancer l’histoire provocant immanquablement de longs et fastidieux temps de téléchargement. Alors si l’effet recherché est de provoquer l’irritation, car c’est une phase où Renie court après des Lumis (petites créatures que les enfants trouvent cool… mais qui, il faut le dire sont affreuses) pour se mettre dans la peau de Renie alors c’est réussi, mais je doute que ce soit là l’intention véritable…
Les phases de gameplay avec Spot sont intéressantes, on apprend rapidement à comprendre l’utilité de ses transformations. Cependant, dans deux tableaux du jeu, Spotty bénéficie de métamorphoses supplémentaires bien particulières qui ne sont pas aussi logiques que celles qu’on peut retrouver à d’autres moments du jeu (avaler du magma permet de le recracher pour brûler des éléments, par exemple) alors que là, rentrer dans la bouche d’un dragon permet de se dupliquer… ce qui fait qu’on se retrouve parfois bloqué par un gameplay trop différent et amené brusquement. Sans compter qu’il n’est pas logique de se dire : “tiens un méchant, je vais me jeter sur lui pour faire avancer l’aventure”…
Enfin si les décors en 2D sont particulièrement réussis et que les personnages en 3D (rappelant le visuel de la série Fable) le sont tout autant, je trouve que les deux se marient mal et brisent l’immersion. De fait, on a l’impression que le personnage est ajouté au paysage et se balade dans une scène de théâtre. D’un seul coup, le joli ciel lunaire me parait alors bien plat comme un décor et je ne suis plus dans le monde de Silence mais devant mon écran en train de jouer quelqu’un qui pense être dans le monde de Silence. Plusieurs fois cette esthétique m’a fait sortir du jeu… Ajoutez à ça les temps de chargement trop présents, que ce soit en quantité ou en longueur, et l’immersion initiale se brise constamment.
Les seconds rôles sont aussi sous-exploités et c’est bien dommage. On en dénombre d’ailleurs très peu. L’intégralité des voix sont doublées en anglais (sous-titrées en français, rassurez-vous). Si les voix de Renie et Noah sont au niveau, les personnages secondaires, eux, sont beaucoup moins convaincants et, mis à part le personnage de Samuel, les liens établis avec Noah et Renie sont trop peu travaillés pour qu’on s’y intéresse.
C’est donc avec un avis mitigé que je quitte le monde de Silence pour vous livrer ma conclusion.
Le début du jeu est magnifique et l’amorce est pleine de promesses mais finalement l’ensemble s’enchaîne trop rapidement, sans difficulté avec des éléments techniques (gameplay et chargement) qui brisent l’immersion et donnent le sentiment d’un rêve avorté, d’un potentiel inexploité. La fin est très surprenante et l’expérience marquante, c’est donc difficile de vous recommander ou non Silence. Je suis content de l’expérience qu’il m’a procurée et de sa portée philosophique (d’ailleurs je ne suis pas allé voir l’intention des créateurs concernant la fin, je préfère ne pas savoir et rester dans mon interprétation plutôt qu’on me livre une vérité qui ne serait pas la mienne, l’effet Blade Runner sans doute) ; mais, d’un autre côté, je sais qu’il n’est pas plaisant à jouer. Je suis donc partagé car c’est une bonne histoire mais un jeu moyen… Or, un jeu n’est-il pas censé apporter du plaisir dans son gameplay ? Là j’ai pris davantage de plaisir à découvrir l’histoire qu’à jouer au jeu…
Malgré tout, amis poètes et philosophes, pour vous faire votre propre opinion, allez-y faire un tour… Vous, chers gamers, je crains que vous ne soyez déçus…
Un coup de cœur mélancolique s’empare de moi à l’image même de Silence. A vous de voir si vous voulez « explorer » ce monde, ou rester à son seuil, méditatifs.
Silence
Avis de YueLes plus:
- Un visuel très travaillé
- Beaucoup d’empathie pour les personnages principaux
- Une portée philosophique et une ambiance mélancolique magistrale
- On aimera parcourir plus longtemps Silence…
Les moins:
- … Donc une durée de vie beaucoup trop courte
- Beaucoup trop facile
- Plus narratif que joué (Trop dirigiste)
- Personnages secondaires sous exploités et doublages pas toujours convaincants
- 2D et 3D qui ne se marient pas bien ensemble
- Trop de temps de chargement.