T.I.M.E Stories
– 2-4 personnes
– A partir de : 12 ans
– Durée de : 90 minutes
Auteur(s): Manuel Rozoy Editeur(s): Space Cowboys
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« Bon, alors, tu vois, « Le 6ème sens », c’est super, et bon, je te raconte rien, hein, mais à la fin, il se passe un truc, un truc de malade, quoi, quand tu comprends qu’en fait le héros, et ben…
– Ta ta ta, stooooop ! Bon, ben c’est malin, tu m’en as déjà trop dit, espèce de pignouf.
– Ha oui, mais t’inquiète, j’suis pas du genre à spoiler, moi. C’est pas comme si je te racontais que dans Twin Peaks, l’assassin de Laura Palmer, c’est…
– Ho ho ho, c’est bon, là, on se calme, nodocéphale!
– Pas de panique, je vais rien te gâcher, parce qu’une fois, tu vois, ça m’avait mis les nerfs, on m’avait tout balancé sur un épisode de saison 3 de Games of Thrones, tu sais, celui où . . . »
Etc etc….
- Un spoil dans la main
Voilà donc mon embarras pour vous parler de T.I.M.E. stories. Que dire sans ne rien effleurer de ce jeu dont tout l’intérêt réside dans le fait de se lancer dans l’inconnu, de ne rien connaître, d’effeuiller carte après carte le contenu de cette boite si mystérieuse. Soyez rassurés, je ne vous dévoilerai donc RIEN sur l’histoire, du moins pas plus que ce que vous découvrirez en lisant les règles (c’est-à-dire vraiment presque rien), je ne suis pas le genre d’homme à balancer sur un blog que Rosebud, en fait c’est le nom de — Ha, on me dit à l’oreillette que je m’égare, pardon—
Après avoir ouvert cette belle boite de T.I.M.E. stories immaculée aux allures de produit high-tech, nous voilà face à un matériel assez générique (des jetons de couleurs, des boucliers, des points de vie…), un plateau blanc d’une froideur médicale, de dés et. . . et. . . un mystérieux deck de cartes sous cellophane avec un avertissement écrit suffisamment gros stipulant qu’il ne faut surtout pas l’ouvrir avant de jouer. N’osant porter atteinte à la virginité de cet imposant paquet au risque de subir . . . (bon, vous connaissez les malédictions habituelles en cas de transgression du sacré, je vous renvoie à Indiana Jones et autres références similaires), je le repose et examine le reste.
J’entame alors la lecture des règles de T.I.M.E. stories : en gros, on comprend qu’on est une équipe (ha tiens, un jeu coopératif !) d’agents temporels dans le futur, et que nous sommes chargés de retourner dans le passé en nous incarnant dans un avatar pour effectuer des missions. S’ensuivent quelques règles de gestions d’actions, de combat, mais le reste est volontairement « flou » pour ne rien dévoiler de l’histoire. Une fois le livret refermé, on se demande bien dans quoi on se lance, tant on a cette impression qu’on ne nous a juste présenté qu’un cadre, mais qu’il nous reste à découvrir tout le tableau.
Réunion de famille un dimanche après-midi, je lance T.I.M.E. stories, explique les règles, observe les regards dubitatifs autour de moi, et puis voilà, çà y est, le sacro-saint deck, le Graal intouchable est descellé et nous nous jetons à l’aveugle dans l’aventure.
5 minutes plus tard, je regarde l’horloge, et 3 heures étaient passées. Oui, une folle magie narrative nous a entraînés dans ce jeu, une véritable plongée inconsciente s’est produite et nous avons tous été complètement envoûtés par le déroulement de l’histoire et l’univers.
- Deck le vent soufflera
Le deck se dévoile petit à petit, et, en respectant les numéros et les consignes (très bien détaillées, pas de risque d’erreur malgré mes craintes), nous voilà propulsés dans les années 20. Nous devons alors choisir l’avatar que nous voulons incarner, en nous basant juste sur son portait et 1 ou 2 indications. Une fois choisi, on le retourne et on découvre alors ses caractéristiques, ses qualités et ses défauts.
Puis, toujours issue du deck, une première série de 5 cartes s’étale devant nous et forme un superbe tableau représentant la première scène dans laquelle arrive l’équipe et ce triste plateau blanc prend alors vie sous nos yeux. Après lecture de la description de la scène, chacun place son jeton sur la carte qu’il souhaite, désignant alors la partie de la pièce qu’il compte explorer. Puis il retourne la carte et raconte ce qu’il découvre. J’insiste beaucoup sur l’importance de « raconter » la carte, et non pas de la montrer ou de la lire, c’est un véritable plus pour l’immersion.
Et çà y est, l’aventure est lancée, les dialogues s’enchainent, les actions se résolvent et la magie opère totalement. Sans m’en rendre compte, ce jeu était le tremplin parfait pour expliquer à des néophytes le principe du jeu de rôles : incarner chacun un personnage particulier, avec ses forces et faiblesses, et collaborer ensemble à la résolution de la mission. T.I.M.E. stories s’avère être en fait un Livre dont vous êtes le héros à plusieurs, où les joueurs vont devoir collaborer pour se répartir intelligemment les tâches : le costaud ira se charger des combats, les manuels iront déverrouiller les serrures et les mondains iront user de leur bagout sur les personnes rencontrées au fil des pérégrinations.
- Même en runnant, je n’aurais pas le T.I.M.E., pas le T.I.M.E…
Malheureusement, le temps presse et chaque action entreprise a un coût en Unité de temps, dont le stock est très limité. Et voilà que, après 3 heures de jeu, nous sommes à court d’unité, nous obligeant à stopper la mission et à quitter nos avatars. Cette première tentative (un « run » dans le jeu) fut un échec, mais nous y sommes revenus lors de deux autres runs (2 à 3 H à chaque fois), fort de quelques éléments déjà découverts et d’informations que nous connaissons déjà. Nous échouerons d’ailleurs aussi notre 2ème run, et c’est au 3ème que viendra la réussite.
T.I.M.E. stories prévoit d’ailleurs un système de rangement assez fragile mais astucieux, car il permet, en rangeant les cartes dans différents compartiments, d’effectuer une sauvegarde d’un run en cours.
- Un one-short ?
Oui, on peut critiquer le fait que ce jeu est un one-shot. 1 deck = 1 scénario. Pour le prix (40 €), çà peut faire drôle, certains peuvent trouver çà court et préfèreront investir dans des jeux plus classiques ré-utilisables à volonté. Néanmoins, mon opinion est très claire : le jeu en vaut la chandelle, mais peut-être pas pour tout le monde.
Pour commencer, ce « one-shot » n’aura pas été si court que ça puisqu’il nous aura toute de même pleinement occupés 3 après-midi de 3 heures. Je vous laisse comparer avec l’équivalent en après-midi cinéma pour une famille. Chacun peut se faire son avis sur cette question, il n’y a pas de bonne ni de mauvaise réponse, juste des avis personnels.
Aujourd’hui, les jeux avec des parties de cette durée ne sont plus forcément les bienvenus et pourtant, ces 3 heures ont filé à la vitesse de la lumière, signe que le jeu fut vraiment prenant. Chacun des run nous aura tenus en haleine (malgré quelques moments plus « réflexifs » où on s’est un peu arraché les cheveux . . . je n’en dis pas plus), et après les parties, on s’est repassé le « film » de nos actions, de nos bons et mauvais choix, tels les protagonistes de cette histoire dont nous avons été les héros.
Bien évidemment, des extensions sont prévues avec de nouveaux scénarios, ce qui explique l’aspect neutre du plateau et des pions, afin qu’ils puissent servir de support de base à différentes époques et histoires.
Pour autant, cela peut-il convenir à tout le monde ? Difficile d’y répondre, tant ce format est particulier. Hybride d’un jeu de plateau et d’une initiation en douceur au jeu de rôles (on n’est pas non plus dans un role-playing forcené), il peut servir de tremplin. L’expérience, en tout cas, est surprenante pour ceux qui n’ont jamais goûté à ce style de jeux. La coopération est renforcée par ce système d’unités de temps, qui sont précieuses, car cela donne lieu à de nombreuses discussions sur la manière de s’organiser dans le groupe pour ne pas les gaspiller : Chacun va-t-il aller où il veut, ou bien faut-il essayer de jouer sur les spécialités de son avatar ? Vaut-il mieux scinder le groupe pour explorer un maximum de lieux en un minimum de temps, ou bien rester groupé afin de prévenir les dangers éventuels ?
Bref, une expérience ludique rafraîchissante, et qui aura très agréablement surpris mon entourage.
NDLR : Compte-tenu de la teneur et de l’ambiance du scénario inclus dans la boite, il est préférable de bien respecter l’âge indiqué (12-13 ans…)