Camarades bidasses, l’heure du massacre a sonné. Rendez-vous Porte de Pantin et qu’ça saute !
- Un petit jeu pour une grande boucherie.
Ou comment partager un moment d’histoire en jouant à un petit jeu. D’ailleurs, les concepteurs y tenaient particulièrement en s’associant avec le musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux. Ainsi, on retrouve dans la boîte, en plus des règles, un joli petit fascicule retraçant l’histoire de ces taxis qui, partant de Paris, ont, bien avant BlaBlaCar, co-voituré des milliers de soldats pour les amener directement à l’abattoir de la bataille de la Marne. 120.000 morts en 6 jours, pensez-vous, il fallait bien abreuver le front de chair fraiche à un bon rythme pour maintenir les stocks. Toujours est-il que ces rappels historiques sont franchement bienvenus avant d’aborder le jeu lui-même.
Les Taxis de la Marne est donc un jeu de cartes coopératif dans lequel le ou les joueurs vont devoir s’arranger pour faire partir au plus vite les taxis chargés de soldats depuis les rues de Paris. L’objectif est ainsi d’éviter l’encombrement des rues en évacuant ces taxis au fur et à mesure qu’ils se présentent.
——- Pause ! ——-
Tout le monde a BIEN saisi le but, là ? (ne mentez pas, vous avez lu en diagonale, relisez de suite le paragraphe plus haut, et qu’ça saute !) Oui, il s’agit bien d’envoyer un max de soldats se faire charcuter dans le tranchées ! Oui, c’est çà, il faut dégager ces vermines de troufions qui trainent dans les rues de Paris pour s’assurer qu’ils aillent bien finir leur vie au plus vite dans des bourbiers humides et froids. Allez-y, expliquez-çà à John-Kévin, 10 ans :
« Papa, papa, faut faire quoi, dans ton jeu ?
– Alors il faut mettre des soldats dans des taxis pour qu’ils partent le plus vite possible à la guerre.
– Mais y vont mourir, à la guerre, non ?
– Oui, mais heu, en fait, c’était pour la France, il fallait des tas de soldats sur le front et vois-tu. . .
– Nan mais moi j’veux pas envoyer des soldats mourir, mais c’est dégueulasse ton jeu, papa !
– Oui, mais . . . mais non, mais John-Kévin, calme-toi . . . c’est un jeu !
– Ouin, j’veux pas tuer des soldats, j’veux faire un p’tit verger, plutôt !!
– HA NON ! Pas un petit verger !! Un grand coup de baïonnette dans le corbeau, tu vas voir, et il fera moins le malin, cet orchidoclaste ! »
Finalement, on aurait pu appeler ce jeu « L’abattoir », en remplaçant les taxis par des camions de bestiaux et les soldats par des vaches à viande, et c’était kif-kif, tiens.
Bon, promis, demain, j’arrête la mauvaise foi.
- Un jeu de poilus au poil.
Bon, revenons à nos troufions.
Au centre, on a donc la carte de Paris avec 8 rues représentées par des cercles de couleur (4 couleurs possible) et 2 officiers patrouillant dans les rues. Ha oui, bien sûr, é-vi-de-mment, parce pour rester dans l’esprit, les officiers, eux, ne quittent jamais la capitale. Ils restent bien au chaud, ordonnant le départ des taxis, lisent le journal en buvant un chocolat chaud et vont consoler les veuves éplorées, mais de là à aller sur le front, pas question !
On dispose également d’une pile de carte « Taxis », indiquant dans quelle rue il veut se garer, la couleur du taxi et combien de soldats il veut embarquer (de 2 à 4). A chaque tour, avant de jouer, le joueur devra tirer une nouvelle carte taxi et l’envoyer stationner devant une rue, encombrant un peu plus la capitale.
D’un autre côté, une pile de cartes « poilus » (je vous rassure, je parle de l’illustration. La carte, elle, elle est bien lisse et imberbe), comportant chacune entre 1 et 3 soldats d’une des 4 couleurs de taxi possible. De riants soldats inconscients avec de belles gueules-pas-encore-cassées dans leur beau costume bleu et rouge criard, tellement fashion dans les tranchées en 1914. Ce sont les cartes que l’on aura en main, ou presque puisqu’elles posées face visible devant soi (comme sur la photo), afin de faciliter la coopération avec les autres.
- Des chauffeurs de taxis Uber-sympa
——- Intermède ——
Chers amis, il chemblerait que chette blagounette ait pu heurter la chenchibilité de nos amis chauffeurs de taxchis, qui à leur tour, chont venus heurter la chenchibilité de ma mâchoire. Ainchi, chuite à leur aimable demande, je me propose de retirer che titre et de le remplacher par un autre plus convenchionnel. Recommenchons :
- « You’re talking to me ? »
(Cha va ? Ché mieux )
L’objectif est simple : à son tour, on tire un nouveau taxi qu’on pose devant la rue indiquée et, au moyens de 3 actions disponibles, il va falloir se débrouiller pour le charger, lui ou ceux déjà présents, en jouant le nombre de soldats demandé de la bonne couleur. Comme dans l’exemple ci-dessous, si j’ai un taxi demandant 4 soldats dans la rue Fabert (rue verte dans le jeu), je devrais fournir 4 soldats verts pour qu’il parte. Et en route pour la Bochie !! (special tribute to my grand-father). Néanmoins, pour que le taxi parte, il faut qu’un officier soit présent dans la rue afin de valider le départ.
Chaque joueur joue à son tour et a droit à 3 actions parmi un panel de 4. On trouve du classique (tirer une carte, bouger un officier, faire partir un taxi) et du coopératif (échanger des cartes avec ses voisins).
Au passage, détail intéressant : si un taxi arrive dans une rue déjà occupée, le chauffeur, un peu colère, se taille et il passe dans la rue d’à-côté, mais on pose un jeton +1 sur le taxi déjà présent, celui qui gênait. Ce qui signifie qu’il faudra charger 1 soldat de plus pour le faire partir, ce qui va compliquer l’affaire. Ludiquement intéressant (car on entre dans une spirale de plus en plus dure à freiner), mais n’y cherchez aucune logique réaliste (« heu, alors, on a voulu me piquer ma place, et pour le coup, je vais prendre un bidasse de plus, tiens ! Et oui, c’est comme ça, je suis tout colère tout rouge, alors bim… »)
Le jeu s’arrête si les 8 rues sont encombrées (il n’y a plus de place pour un nouveau taxi), ou quand la pile de taxis est terminée.
Une fois le jeu fini, on additionne les points de tous les taxis qu’on a pu faire partir, et on compare avec un tableau de victoire afin de situer son degré de réussite ou d’échec. (6 degrés d’échec/réussite possible)
- C’est l’heure de trancher !
(Blague approuvée par Anne Roumanoff)
Toute la tension ludique va être créée par le fait qu’il y a un taxi qui arrive systématiquement à chaque tour, et que, dans l’idéal, il faut le charger et l’évacuer au plus vite. Or, cela nécessite deux conditions : avoir un officier dans la bonne rue et avoir les bonnes cartes. Si les premiers taxis sont assez vite évacués car on commence avec une main toute pleine de cartes, le jeu se corse au bout de quelques tours quand on commence à en manquer et qu’on « perd » des actions à devoir piocher. Et l’engrenage s’affole quand les jetons « +1 » commencent à fleurir çà et là.
Règles expliquées en 5 minutes, parties jouées en 15 minutes, c’est loin d’être mon créneau habituel, mais on ne peut que s’incliner : le jeu fonctionne parfaitement et remplit le contrat ! La meilleure preuve est qu’après nos 2-3 premières parties en famille, mes enfants ont continué à jouer sans les parents. Pas de vainqueur en bout de course, mais l’envie d’en refaire une autre pour voir si on fera un meilleur score la fois d’après. On se laisse prendre par cette arrivée ininterrompue de véhicules, on essaie d’élaborer des tactiques d’échange de cartes, de placement d’officier et on entre petit à petit dans l’ambiance. La coopération est bien pensée car nécessaire, et on se retrouve parfois même à devoir donner ses bonnes cartes à ses voisins car on n’est pas en mesure de faire partir un taxi. De plus, lesdites cartes sont bien belles et le jeu peut même se jouer en solo.
Et le tout en révisant un morceau du programme d’histoire, que demander de plus ?
Les Taxis de La Marne – Coktail Games – A partir de 10 ans – Dispo chez Asmodee