Avant de commencer Everybody Gone to the Rapture développé par The Chinese Room, prévoyez votre petit comprimé de Nautamine contre le mal des transports, un vaccin contre la rage au cas où et une camisole, ce qui avancera les urgentistes dans leur travail ( et oui, la casse de l’hôpital public, nous en parlons aussi sur GameOvert.net).
Tout le monde a disparu. La petite ville de Yaughton est déserte. Les portières des véhicules sont ouvertes, les cendres fument encore dans les cendriers, les vélos des enfants traînent sur les chemins, mais il n’y a personne. La petite ville anglaise aux charmants cottages reste mystérieusement vide. Un malaise s’installe dès le début: sur une radio une voix vous fait comprendre qu’une expérience a mal tourné, et au téléphone un message vous rappelle l’ordre de mise en quarantaine. Vous vous attendez au pire: est-ce le calme des films d’horreur, genre 28 jours plus tard, où les zombies, ou autres humains infestés par un quelconque virus tueur, vous sautent dessus, gentiment cachés derrière l’abribus? Doctorinaire, mes vaccins sont-ils à jour?
Rassurez-vous, pas d’hémoglobine ici, si ce n’est sur quelques mouchoirs épars tachés de sang, et pas un zombi en vue. Une expérience a bien mal tourné pour les habitants de Yaughton, mais quoi? Vous- mais qui on ne sait pas, Alzheimer peut-être?- jouez un enquêteur, donc un inconnu, qui doit comprendre le comment du pourquoi de ce grand vide. Enfin, vide, ce n’est pas tout à fait le mot.
Il y a beaucoup à voir dans Everybody Gone to the Rapture : les décors sont très beaux, l’ambiance graphique est parfaite, mais il n’y a pas âme qui bouge; car oui, des âmes vous en rencontrerez, et ce sont même elles qui vont vous faire comprendre l’histoire: vous allez devoir suivre des boules lumineuses. Vous comprendrez vite qu’il s’agit des habitants du village qui vous mènent dans différents lieux du jeu pour revivre des scènes antérieures à votre arrivée. Ces scènes sont jouées par des arabesques lumineuses, qui figurent les habitants disparus, et qui s’estomperont une fois la scène terminée. Doctorinaire, j’ai des hallucinations. Je vois des traits lumineux qui parlent; mais heureusement, ils parlent français!
Les voix et les sous-titres sont en français. Que du plus! Parfois, il y a un léger décalage entre le son et l’écrit. Ce n’est pas très grave puisque le but du jeu est avant tout de comprendre.
Comprendre. C’est bien la seule chose à faire dans ce jeu. Certes, le récit est accrocheur, et les différentes mini-histoires entre personnages font que vous voulez comprendre les relations entre les habitants de Yaughton, un peu comme dans la série Broadchurch. Toutefois, dans un jeu d’enquête il faut un minimum d’interaction avec les objets et l’environnement pour se sentir dans la peau d’un Sherlock Holmes ou même d’Isabelle Florent – Isabelle Florent, voyons, une femme d’honneur avec Corinne Touzet! Ici, il y a bien un minimum d’interaction puisque vous devez trouver les radios et téléphones pour reconstruire une partie de l’histoire, mais je trouve ça bien pauvre, alors que je ne suis moi-même pas une dégourdie de la manette. A mon goût, quelques puzzles et des combinaisons d’objets auraient donné un petit plus à Everybody Gone to the Rapture.
Ne pas être pressé. Là est peut-être tout le flegme anglais, et notre enquêteur, c’est à dire vous – ça sent la schizophrénie, Docteur Benton?- est probablement so british. Les trajets sont lents, et même si vous courez, c’est lent, et parfois long pour découvrir le lieu où les boules lumineuses vous attendent.
Pourquoi, si le voyage est lent, vous demander de la Nautamine, Docteur? J’y viens: la vue est à la première personne, et c’est bien là que l’estomac tapote un peu et le cerveau tord boyaute. Ce n’est pas la première fois qu’un jeu en point de vue intérieur me donne quasi la nausée, donc ce n’est sûrement pas sa faute – un souci d’oreille interne? – mais il m’a semblé, ici, venir assez rapidement. Est-ce en lien avec le malaise ambiant dû aux espaces désespéramment vides, aux sonneries trop fréquentes des téléphones, ou à ce mystérieux code récité par les ordinateurs? Bref, les maux de têtes, même s’ils sont un frein, côté temps de jeu pour les joueurs sensibles, résonnent terriblement bien avec l’histoire et ses mouchoirs ensanglantés…. A vous d’aller faire un tour à Yaughton pour comprendre.
Pour résumer, Everybody Gone to the Rapture est un jeu pour le récit. Son but est de comprendre l’histoire, de la recomposer, un peu comme au fil d’une lecture policière où l’on met en place petit à petit les pièces de l’intrigue; et ce récit se fait dans un très beau décor, qui participe pour beaucoup au mystère ambiant. Je mets ce jeu en parallèle avec avec the Vanishing of Ethan Carter pour les décors magnifiques et vides, et le récit à reconstruire.
PS: Hypocondriaques s’abstenir.