Si j’avais la possibilité de faire un trait d’humour en clin d’oeil à Trollinet, je dirais qu’après Farming Simulator et Spintires, je poursuis ma spécialisation avec Cécité Simulator. Mais le sujet étant bien trop sérieux, je m’abstiendrai.
En effet, Beyond Eyes de Tiger & Squid et Team 17, est un jeu qui nous met dans la peau de Rae, petite fille ayant perdu la vue un soir de feu d’artifice. Cécité permanente ? Ponctuelle ? Je vous laisserai découvrir l’histoire par vous-même. Après une petite intro du plus bel effet graphique, on commence avec notre petite Rae qui va faire la connaissance d’un chat roux qu’elle nommera Nani.
Alors avant de poursuivre, je voudrais qu’on me fournisse le numéro de la D.A.S.S. car, où sont les foutus parents de Rae pour laisser partir ainsi leur fille sans aucun moyen de se diriger ? Et puis ce Nani, quel con ce chat, à cause de lui, Rae va vivre une histoire parsemée d’embûches. Donnez-moi un fusil !
Bien, cette parenthèse réac étant faite, poursuivons voulez-vous ? Beyond Eyes pointe un sujet sérieux: la cécité. Grace à Tiger & Squid, nous voyons ce que vit un non-voyant au quotidien. Relativisons bien sûr: dans les déplacements tout du moins. Mais c’est déjà très important. Du coup, dans le jeu, les décors se matérialiseront selon les bruits que perçoit Rae. Un mouton, une pie, et les voilà à l’écran. Parfois son ouië vous trompera. Un exemple, un moment donné, Rae croit entendre une auto, et en s’approchant, on devine qu’il s’agit d’une tondeuse à gazon, qui, du coup, se substituera à la voiture.
Rae est plutôt une petite fille joyeuse, mais elle a ses peurs d’enfant. Des craintes accentuées par sa cécité. Les bruits de corbeaux, les chiens et même les rues encombrées d’automobiles, symbolisées à l’écran par un long mur de brume sombre. Au début je croyais qu’il s’agissait du bout de la map, mais en fouinant un peu, j’ai deviné un feu tricolore, et quand j’ai fait appuyer sur le bouton “traversée piétons”, le feu est passé au rouge, et le nuage s’est quelque peu dissipé pour laisser passer Rae. “Laisser passer Rae” pour, je le rappelle, retrouver cet enfoiré de chat Nani. (On part du principe que vous ne connaissez pas la fin hein…).
Bref, vous l’aurez compris, le parcours est jonché d’obstacles à contourner, à activer par un moyen ou un autre, tel un jeu en point’n’click. Beyond Eyes est un jeu lent, très lent. Il faut être très très patient car vous avancez à la vitesse d’une personne aveugle. Le décor se dessine à la même vitesse. Bref, trapizoux électrifiés, passez votre chemin. Et malgré les apparences, ce jeu n’est pas fait pour les plus petits car justement, il n’est peut-être pas assez vivant.
Les déplacements vont vous paraître étranges, mais votre intelligence vous fera comprendre que justement, vous êtes aveugles. Et sans cane, sans chien, déplacez-vous dans un monde clafi d’obstacles, et on en reparlera.
Graphiquement, Beyond Eyes est un chef d’oeuvre. Les décors 3D sont comme une aquarelle, avec ses couleurs pastels. Je suis bluffé par une telle réussite. Les graphismes ne font pas tout, mais pour un jeu qui est ni plus ni moins une histoire à vivre, c’est un des éléments crucial.
Tiger & Squid a voulu nous faire passer un message, nous montrer, à leur manière, ce que pouvait être cet handicap qu’est la cécité. Ils ont réussi. Et merveilleusement.
Il y a quelques points faibles à Beyond Eyes, comme par exemple, une lenteur certes au service du message, mais qui à la longue devient pesante. Mais n’est-ce pas ce que souhaitaient nous faire vivre les développeurs avec Beyond Eyes ? Et puis les sauvegardes qui se font on ne sait pas trop quand, et lorsque vous reprenez votre session de jeu, Rae n’a plus en mémoire la vision du terrain, il faut tout redécouvrir. Je sais que nous devons vivre la non-voyance à fond, mais Beyond Eyes est vendu pour être aussi un jeu. Mais tout ceci n’est qu’un détail.
Bravo Tiger & Squid, pour moi Beyond Eyes est une claque visuelle et bien sûr une prise de conscience sur ce que peuvent vivre les mal-voyants. Ça peut paraître étrange de dire ça, voire démago ou j’en sais fichtre rien, mais personnellement, je n’ai jamais vécu, et j’espère ne jamais le vivre, ce que vit un non-voyant.